Pour alerter l'opinion, dix Britanniques dans la force de l'âge se livrent à une expérience originale : passer une semaine seuls chez eux en utilisant du matériel qui réduit leurs capacités physiques. Éprouvant.
Par Pauline Fréour
L'expérience a été baptisée : «Isolation Week» - en français, «une semaine d'isolement». Pas question ici de prison, mais de faire vivre à une dizaine de volontaires âgés de 22 à 50 ans le quotidien des personnes âgées isolées. L'expérience, lancée par un organisme de charité britannique, «Friends of the Elderly*», vise à éveiller la conscience du grand public sur les difficultés rencontrées par cette minorité silencieuse.
Depuis lundi, Christie, Lisa, Yuri et les autres sont enfermés chez eux avec interdiction de téléphoner, d'envoyer mails et textos ou de consulter Facebook. Ils ont peu de consignes pour remplir leurs journées, si ce n'est d'utiliser pour certaines tâches du matériel mimant les atteintes physiques du grand âge : des lunettes qui réduisent la vision comme le font la cataracte ou le glaucome, des gants et des chaussettes pleines de graines pour reproduire la gêne de l'arthrose, un casque brouillant l'audition ou des poids pour se déplacer plus lentement.
» Lisa tente de lacer ses chaussures et de boutonner sa chemise en portant les gants prévus pour l'expérience :
Les dix participants ont chacun un blog pour raconter leurs déboires. «Ces lunettes affectent non seulement mes mouvements mais aussi ma notion des distances. Je fais tout beaucoup plus lentement», se plaint Pam, 40 ans, qui avait pour mission, le 5e jour, de se préparer à déjeuner en portant gants et lunettes. Bilan : «Désastreux. J'ai fini avec un sandwich plein de trous et beaucoup trop de mayonnaise», résume-t-elle. Leigh, 34 ans, n'a pas osé descendre ses escaliers avec les lunettes. «Ce serait trop dangereux. Quand je les mets, je ne distingue que les couleurs».
» Amanda tente de prépare un déjeuner en portant des gants et des lunettes qui réduisent sa vue :
Pour tous, la découverte de la grande solitude et de l'ennui qui l'accompagne est une expérience douloureuse. «Le passage du facteur a illuminé ma journée. J'ai même lu les publicités. Je deviens folle !», témoigne sur Twitter Lisa, 30 ans, dès le deuxième jour. «Le soir, j'entends mes colocataires qui s'amusent dans les autres pièces. C'est le moment le plus dur de ma journée», s'épanche Christie, une étudiante de 23 ans, au bout de cinq jours. Pour autant, tous sont conscients des limites de l'expérience, puisqu'eux peuvent déjà voir «le bout du tunnel», comme l'explique Yuri. «Je ne verrais sans doute pas les choses de la même manière si toutes mes journées devaient se dérouler ainsi jusqu'à la fin de la vie».
En France, la lutte contre la solitude a été promue grande cause nationale de l'année 2011. «Les personnes âgées souffrent de ne parler à personne, parfois de façon très forte, témoigne Jacqueline Colson, vice-présidente de la Société Saint-Vincent de Paul, très active auprès du 3e âge. Elles sont bien aidées pour tout ce qui relève de l'aide ménagère et des soins mais leurs accompagnants ne disposent souvent que d'un temps très limité. Or, les personnes âgées ont besoin de converser. Au point que certaines appellent leur électricien ou leur médecin plusieurs fois par semaine sous des prétextes divers, et quand ceux-ci arrivent chez elles, elles leur offrent le thé.»
* Les amis des personnes âgées
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