De l’enfant du macadam à la gloire hollywoodienne
« Je garde toujours de cette période (enfance) le souvenir d’un incident. Au bout de notre rue, il y avait un abattoir et les moutons passaient devant notre maison pour s’y rendre. Je me rappelle que l’un d’eux s’échappa et s’enfuit dans la rue, à la joie des badauds. Les uns essayèrent de l’attraper, d’autres trébuchèrent. Je riais de voir la bête sauter et s’affoler en bêlant, tant cela semblait comique. Mais quand on l’eut rattrapée et ramenée vers l’abattoir, la réalité de cette tragédie m’accabla et je me précipitai dans la chambre en sanglotant et en criant à ma mère : Ils vont le tuer! Ils vont le tuer! Je me souvins pendant des jours de cet après-midi de printemps et de cette poursuite comique; et je me demande si cet épisode ne contenait pas en germe mes futurs films : la combinaison du tragique et du comique. » (Charlie Chaplin)
Charlie Chaplin est né à Londres, là où l’enfant de macadam a fait ses premiers mimes dans les rues d’East Lane. Il a connu la gloire planétaire à Hollywood. Il a vécu les vingt-cinq dernières années de sa vie à Corsier-sur-Vevey, en Suisse, entouré de sa famille et de ses amis, à la manière, disait-il, d’un homme comme tous les autres. Son nom est toujours mythique et son image demeure celle d’une icône sympathique que l’on adule depuis près d’un siècle sur les cinq continents.
Le futur musée Charlie Chaplin ne manquera pas d’évoquer le parcours de vie de l’artiste né en 1889, à commencer par son enfance dans un quartier de l’Est de Londres, communément appelé East Lane. On y évoquera le côté sombre d’une période de la vie de Chaplin dans l’ambiance d’un quartier gris, entrecoupé d’usines et d’abattoirs auxquels s’agglutinait la lumière blafarde des lampadaires au gaz des rues de bois et de terre d’un autre siècle. La ruelle de réverbères d’East Lane imaginée pour le futur musée sera parsemée d’images et d’ombres évoquant les visions, parfois belles, le plus souvent cauchemardesques, d’une enfance jamais oubliée par le cinéaste.
Parmi elles subsistent, indélébiles, les souvenances de la vie simple d’une famille d’East Lane de la fin du XIXe siècle, des soirées au music-hall de Hannah (mère de Charlie), des mansardes et des barreaux d’orphelinat dont l’allure rappelle étrangement ceux d’un kid adopté par certain Charlot. Le parcours londonien du petit Charlie sera parsemé d’objets dont certains le prédisposaient à sa future gloire : les petits voiliers de bois et de liège qu’il fabriquait, enfant, pour subvenir à ses besoins; l’orgue de Barbarie jouant des airs de l’Armée du Salut sur lesquels il improvisa ses premières pantomimes, une succession de draps blancs sur lesquels s’imprègnent les ombres étonnantes de la lanterne magique qui faisait les beaux dimanches de son enfance.
Guidé par le petit Charlie, le visiteur du musée va emprunter les trottoirs de bois d’East Lane pour joindre la caravane de la troupe de théâtre de Fred Karno, laquelle va le mener des routes d’Angleterre jusqu’aux confins des Nickelodéons d’une terre d’Amérique à qui il criera irrévérencieusement, « Amérique, tiens-toi bien, je vais te conquérir! ». Le musée se fera route parsemée de dédales menant aux confins d’une vie personnelle et professionnelle exceptionnelle. On y évoquera successivement la route de terre et de trottoirs de bois de Lambeth Street, celle des caravanes d’un théâtre où il fait ses premières armes, la route maritime qui tangue et le mène vers le Nouveau Monde, de même que ses trottoirs de terre pavoisés de mus de mousseline tels qu’ils se déploient dans les premiers studios hollywoodiens. Au cœur du parcours, le visiteur circulera sur les trottoirs de bois de Brea Street (Studio de Chaplin) pour emprunter les chemins évocateurs de ses fins de films les plus classiques, avec Charlot au bras de sa belle, s’avançant inexorablement sur un route aux airs indéniables de liberté.
Sur les routes empruntées par Chaplin, le noble vagabond finit toujours par gagner, ou presque. Jusqu’au jour où la critique sociale inhérente à ses films les plus célèbres soulève l’ire d’une certaine Amérique de temps de guerre froide, qui voit dans l’œuvre chaplinienne une trahison de ses propres idéaux. Expulsé des Etats-Unis par le maccartisme qui augure d’une guerre froide qui affligera plus d’un artiste et d’un intellectuel, Chaplin s’établit au Manoir de Ban, en Suisse, en janvier 1953. Il y poursuivra une œuvre où le Charlot d’antan laisse place à une cour de personnages non moins irrévérencieux à l’égard d’une société dont il se fait le critique acerbe. Il y passera le reste de sa vie, avec sa Oona et sa famille, vivant dans ce pays qui a adopté et qui l’a adopté, à la manière d’un homme comme tous les autres. Il a quitté la Suisse et le monde le jour de Noël 1977.
Le Manoir de Ban, maintenant mis à la disposition d’une équipe de muséographes de calibre international, va bientôt faire revivre le parcours de toute une vie d’un homme, d’un artiste et de son œuvre. Pour faire rire et toucher à nouveau.
BON WEEK-END . BISOUS . ♥
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Très belle biographie Rina.
RépondreSupprimerRichard