jeudi 7 octobre 2010

EL CHARRA...LA RUE, MON ECOLE.par Somelier Richard,

EL CHARRA...LA RUE, MON ECOLE.par Somelier Richard,



EL CHARRA.


LA RUE, CETTE ECOLE.


Si l’école m’a instruit jusqu’à l’âge de la préretraite J J J, la rue m’a beaucoup appris dans ma jeunesse et adolescence.


On ne trouve pas dans les bouquins d’histoire, des histoires à la gloire des rues.


Et portant. Chaque rue à une histoire dans ma ville natale.


Je suis à même de raconter chaque événement important ou désuet des rues de mon patelin parce que chacune d’elles m’a donné quelque chose et surtout elles m’ont appris à partager, à me faire des amis, à jouer autant de jeux que nous avons et inventons à chaque saison. Elles m’ont appris le courage. Le gout du risque. Elles m’ont appris à me battre. Elles m’ont données cette liberté qui a fait de moi un enfant de la RUE.


Pourtant la rue est dangereuse.


Avec ses risques, ces bagarres qui pouvaient tourner aux drames, ces accidents, ces mauvaises rencontres.


La rue est pleine de tentations et s’y on n’y prend pas garde, elle peut vous détruire. Vous menez en tôle.


La rue fait la renommée.


On vous traite de voyou si vos fréquentations sont mauvaises.


Ou alors elle catalogue de mauvaise vie.des jeunes filles innocentes.


Une jeune fille marchant avec un simple ami et voilà la rumeur qui nait.


Deux amis qui marchent souvent ensemble et voilà la rumeur qui enfle.


La rue est destructrice.


La rue c’est comme un miroir où tout un chacun toise l’autre et porte un jugement sur autrui.


C’est un peu comme un café où tout le monde vient s’abreuver de cancans, faire son stock de médisances. Remettre ses fiches à jour. Cataloguer de braves gens pour n’importe quoi.


Jalouser l’autre et surtout jouir en secret du malheur du voisin parce que voyez vous, en ce temps là, personne ne remarquait sa bosse. Ils étaient tous blancs bleus, normaux et sans handicaps. Mais jamais noirs ou gris. Surtout dans ces cafés de petites villes où tout se sait et rien ne se cache.


Mes rues ont été pour moi des havres de joie et de bonheur à la Goulette.


Emprisonné pendant 3 ans dans un ‘SENDOUQ’ (Caisse en bois, mon youpalla immobile, mon parc de misère).


J’ai eu la chance d’en sortir 4 ans plus tard, libre mais en tenant la main de ma mère qui m’accompagnait à l’école. Et c’est à partir de cet âge que la rue s’est ouverte à moi. Belle, grande, immense, bruyante, fleurie, chahutant, mystérieuse avec ses impasses, ses coins et recoins et ses couloirs d’immeubles qui avaient souvent deux issues. Une sur rue, l’autre sur la plage.


La rue m’a appris la ruse. Les caractères des gens. De découvrir des visages sincères, hypocrites, ignobles, des comédiens, des charlatans, des saltimbanques, des musiciens, des vendeurs ambulants, des commerces tenus par des communautés diverses, des gens méchants aussi.


La rue m’a appris à faire des choix ; à séparer le bon grain de l’ivraie. La rue m’a appris à me cacher. A me découvrir vis-à-vis des autres car la rue fait la réputation.


La rue m’a offert l’occasion d’être inviter dans des maisons qui ressemblaient presque toutes à la mienne. Elles avaient toutes une porte qui donnait sur la rue.


La rue a émoustillé mon odorat. Les odeurs de cuisine qui s’échappaient par les fenêtres et les ouvertures parfumaient l’air de la rue.


Les prières me parvenaient par la rue, les querelles entre mari et femme, les enfants qui pleuraient. Les insultes et les blasphèmes qui tombaient drus des premiers étages. Des râles de mourants, des hurlements d’horreur, des gémissements de famille en deuil.


Des fêtes religieuses et des enterrements de toutes sortes.


Des rires aussi. Et surtout.


Elle m’a fait aussi découvrir certains corps de jeunes filles surprises dans leur nudité par un volet ma fermé.


Elle m’a fait entendre de la musique.


La rue m’a donné cette formidable occasion d’être à mon âge un homme averti.


De faire la part des choses et surtout, la rue m’a donnée le sens du partage et l’amour des filles. Généreuse ??? La rue l’est.


Elle m’a donné l’occasion de sentir la chaleur d’un premier baiser échangé le cœur battant avec ma première girl friend. ‘...Comment oublier mes rues... ?’


Elle a su m’apprivoiser. Provoquer en moi des désirs, des envies.


Elle a su me faire respecter les anciens.


Ma grand mère Meiha z’a me disait ‘...Obyad mel louled l’ahram...’ Evite les enfants du péché...!’ Sous entendus les Voyous. Il y avait de ces jeunes gens, rares heureusement il est vrai, non pas nés du pèche mais porteurs de vices de toutes sortes.


Oui, je me souviens de ma rue Pasteur.


Là où j’habitais avec candeur et chaleur.


De la rue Hamouda Pacha,


Puis renommée Cheikh Albelaziz Thalbi


Elle aussi restée encore dans mon qalbi. (Mon cœur).


J’en garde les clés ye si El Becha.


Pas loin la rue du Colonel Bourdenneau


J’ai les oreilles qui bourdonnent


Par tant des souvenirs heureux.


Rue Rebbi Rahmine Chmila,


Pas loin de mes voisins Smilla,


Et la rue de Bourgogne et voilà cela ma rappelle la France.


Rue Chadly Kaznadar,


A quelques mètres de mon DAR (Maison).


Ma syna, ma yechiva mon sacré lieu de torah.


Et cette rue de Marseille,


Qui me guidait vers le canal.


Avenue Cardinal Lavigerie


Me voilà chez les italiens.


Et sur la grande avenue Franklin Roosevelt,


Je croisais Pierre, Tilda ou Tchicho le svelte


Sans oublier Ahmed, Noura, Frej et mon cinéma Rex.


Et enfin la Rue du Limousin.


Et voilà la fin de mon refrain.


Sous les ponts de la Goulette


Les rues se reflétaient comme se reflète


Ma vie sur la surface de mon onde pure.


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