vendredi 21 mai 2010

Alors, il vient ce hamburger ?


Alors, il vient ce hamburger ?


Bonjour Nicolas, une petite présentation de ce que tu fais, histoire de s'ouvrir l'appétit ?

Travaillant dans le fast-food depuis plus d’une décennie (ça fait long quand on compte en décennies …) je me suis dis qu’il y avait matière à raconter. Mais pas forcément du côté de l’entreprise, sur le fast-food en lui-même, on en parle déjà beaucoup. Je ne trouvais pas ça très intéressant. Ce qui me tentait, en fait, c’était de parler de ce qui fait « marcher » ce système : la clientèle. Car on a tous été un jour ou l’autre client d’un fast-food, et ceux qui critiquent le plus le système ne sont pas ceux qu’on croit.

Tu as commencé ton blog "seulement" très récemment, qu'est ce qui t'en a donné l'envie ? Tu cherches à faire passer un message, à éduquer ludiquement tes clients ?

J’ai pris un peu de recul en reprenant mes études, il ya deux ans, après une longue pause. Je suis en train d’achever mon master en sciences de l’environnement. Ca me donne aussi un autre regard. Je ne suis plus « nez dans le guidon ». C’est pour moi une manière de tenir un miroir, et à, quelque part, « responsabiliser » les gens qui pensent que le fast-food est à la base de tous les maux. On ne leur met pourtant pas un pistolet sur la tempe pour aller manger un hamburger !

Eduquer ? Non, ce n’est pas ma prétention. Peut-être amuser, faire réfléchir avec mon regard mixte entre écologie et fast-foodie. Et faire changer le regard qu’on a sur ceux qui y bossent. Le message que j’aimerai faire passer ? Que les gens, d ‘une manière générale, soient plus responsables, en commençant par les petites choses. Qu’ils commencent déjà à être polis avec les « petites gens », et le reste viendra tout seul. C’est le fast-food qui m’a fait sortir de mon milieu familial hyper protégé et assez coincé. Grâce à mes collègues, je suis devenu moins con !

Quelles sont les fonctions d'un manager dans un fast-food ?
Le manager, qui a souvent commencé comme employé de base, est responsable du restaurant par quart de travail, c’est à dire de l’ouverture jusqu’à l’après-midi, ou de l’après-midi jusqu’à la fermeture. Les horaires varient d’un établissement à l’autre, et les missions aussi. Mais le socle commun est celui-ci : gérer le personnel « sur le terrain », leur affecter un poste, administrer les caisses, former les employés, gérer les plaintes clients, assurer le bon suivi des stocks, des commandes, la sécurité des biens et des personnes (y compris alimentaire). Si en plus il arrive à motiver « ses troupes », il aura tout gagné. Car c’est vachement plus facile de bosser avec des gens qui sont à l’aise. Et ceux qui y arrivent sont ceux qui donnent de leur personne.
En plus, je me chargeais de développement commercial (recherche de partenariat) et plus récemment d’environnement.

Travailler dans la restauration rapide, ca a longtemps eut une connotation assez péjorative. Est-ce que cela a changé, selon toi ?
Non, malheureusement. C’est un défaut assez spécifiquement français, puisque, dans notre pays, on dénigre les métiers manuels et de service. Il n’y a qu’à voir le blog d’Anna Sam, l’auteur de « tribulations d’une caissière » dont je me suis inspiré. Dans notre pays, il faut être médecin ou ingénieur ... je caricature à peine.
Et puis travailler dans un fast-food « français » ou soi-disant « étasunien » n’est pas pareil : les gens rejettent ce symbole du capitalisme en s’en prenant aux employés. Qui, la plupart rappelons le, sont là pour payer leurs études. Dans beaucoup de pays, le fait de bosser pour payer ses études (ce que j’ai fait) est bien vu comme au Canada, d’où vient ma mère. Pas en France.
Pourtant, un employeur aime recruter un diplômé qui a également bossé durant ses études. On sait que c’est un bûcheur. Il y a toujours cette méfiance des Français envers le monde de l’entreprise.
Tu sembles faire en sorte que l'on ne puisse pas "formellement" (il y'a des indices, tout de même, si si) identifier la chaine de fast-food pour laquelle tu travailles. Pourquoi ?

Que l’on parle de telle ou telle enseigne n’est pas important. Bien sûr qu’il y a une enseigne majoritaire en France comme dans le monde, mais ce n’est pas l’objet du blog. Je ne veux pas attirer les gens avec du « sensationnel » sur des « questions sociales » dans le fast-food. Tout cela a déjà été dit, redit, avec souvent beaucoup de fausseté. Personnellement, j’ai jamais eu à ma plaindre de mon entreprise.
Quand on a un problème, on va voir le patron. Il peut régler le problème ? Oui, non, ca dépend. On n’est parfois pas d’accord. Il faut alors affuter ses arguments, et si c’est du solide, on peut faire avancer les choses.
Quand j’ai eu besoin d’un congé exceptionnel pour m’occuper de ma fille malade, il n’y a pas eu de souci. C’est du donnant donnant. On bosse bien, on vous fait confiance, Après, on se fait beaucoup d’idées sur l’argent gagné dans un fast-food : il y a énormément de frais de main d’œuvre, car on a besoin de beaucoup de monde pour servir efficacement des clients toujours plus pressés. Après, ca dépend des gens qui sont à la tête du restaurant, mais l’enseigne a fait beaucoup d’efforts depuis des années en matière de formation, de ressources humaines, d’environnement …
Donc, dans mon blog, je n’ai pas envie de dénigrer la boite qui m’a employé. Ce serait, quelque part, injuste. Eh oui !
C’est ce que je dis dans mon blog : des brebis galeuses, il y en a partout. Le plus important, à mes yeux, ce sont les comportements de la clientèle. C’est à dire de nous tous. Quelque part, au lieu de faire du sensationnel, je veux déranger. Parce que, si on réfléchit bien, c’est nous tous qui entretenons ce que nous dénigrons à longueur de temps !
Lorsque l'on lit certains articles, non seulement on s'identifie au malheureux caissier ou manager qui subit le client, mais on a aussi une furieuse envie que ces derniers mettent une droite au fameux client odieux. On vous donne des courts de self-contrôle, dans votre entreprise ?
Non, pas vraiment ! Ce serait bien ! Mais on nous donne des conseils qui peuvent servir. En arrivant là, nous sommes tous au même niveau : souvent jeunes, et on peut progresser rapidement dans la hiérarchie. C’est un avantage, surtout lorsqu’on n’a pas de diplôme ! Mon franchisé est arrivé en France sans diplôme (ciel ! un immigré !), et mon directeur n’a pas son bac. Mais ils ont un vrai boulot.
Le problème, quand on est jeune, c’est qu’on est souvent impulsifs. Le client qui nous chauffe, on va vouloir surenchérir. Et puis ca dégénère, et c’est ce qu’attend justement le client. Qu’on perde notre sang-froid. Parce qu’on lui a appris qu’il « était le Roi » et que c’était quasiment un « crime de lèse majesté » de lui faire une remarque. Une belle connerie à mon avis, je me lâcherai dans le blog.
Alors, j’ai décidé de faire autrement, et de suivre les conseils : on reste calme. Imperturbable. Et Poli. Comme j’aime l’histoire, je m’intéresse à l’époque moderne, sous le règne de Louis XIV. Il avait beau être absolutiste, il était avant tout très poli, et on savait s’entretuer avec panache à cette époque.

Deux gentilshommes se défiant la rapière à la main, ou bien juste avec quelques mots bien sentis, ça avait de la classe. Alors j’essaie de faire de même. Le type qui s’énerve perd toute crédibilité, surtout lorsque l’employé en face de lui reste aussi calme que la surface d’un lac du Haut-jura aux premières gelées (‘tain, c’est beau !).
Et puis je fais en sorte de mettre de côté les employés lorsqu’ils ont affaire à un client difficile : après tout, je porte une cravate, et on s’énerve moins contre une cravate. Oui, c’est un fait. Le client se croit enfin « pris au sérieux ». Et puis j’ai une meilleure paye que l’employé de base. Ce qui explique que je doive me faire engueuler à sa place.
Considères-tu que tu fais "carrière" dans un Fast-Food ? Il y'a encore 10 ans, on aurait pu considérer que ma question est ironique, mais aujourd'hui, les choses n'ont-elles pas changé ?
On peut faire carrière dans le fast-food. Certains diront que les horaires sont nuls, que le salaire n’est pas mirobolant, que les conditions sont dures. Stop ! Regardons un peu la paye des Aides-soignants et leurs horaires ! Et puis bien sûr on gagne moins qu’un député, mais au moins, notre boulot n’est pas délocalisable. A moins de faire une (grosse) connerie, le CDI dans un fast-food est un emploi vraiment stable, et dans un fast-food il n’y pas de ségrégation ethnique. Et puis si vous voulez « bouger » il y a de grandes chances de trouver un établissement à l’autre bout de la France voire de l’Europe.
Et puis il y a le côté « grande famille » qui est parfois sympa. C’est un peu notre service militaire à nous (en plus y a des filles), et après un rush de fou, on a fait nos « manœuvres », on se soude face à l’adversité. Enfin pas toujours, ca dépend des affinités !
Et puis comme je l’ai dit, on peut très bien bosser sans diplôme. Pour faire le boulot « de base » bien sûr, mais aussi monter en grade et pourquoi pas devenir directeur. Il n’y a pas de place pour tout le monde, mais pour chacun.
Le job correspond à un trajet de vie. On commence souvent pour ses études. Le danger est d’arrêter les études et de faire du surplace. On se laisse porter par la facilité, la routine, l’ambiance (c’est super les copains du boulot !).

Ce que je trouve dommage, ce sont ceux qui n’ont pas de projet de vie, et qui se satisfont de la situation. Si encore ils « grimpaient » pour avoir plus de responsabilités, gagner plus (comme dirait Nicolas …) Mais non. Soit. Mais quoi faire d’autre ? « Oh, ca me paye mes clopes, ma play… » est souvent la réponse que j’entends. « Et puis quoi faire ? »
Mais bon Dieu, tu te renseignes pas autour de toi ? Il y a des métiers où l’on cherche des jeunes motivés. Ca te dirait pas la menuiserie ? Sentir le contact du bois sous tes doigts ?
Les salariés ont des droits comme partout, mais ils ne pensent même pas à les étudier, notamment en matière de congé de formation.
A ceux qui disent y avoir bossé et n’en retirer que de mauvais souvenirs, soit ils n’ont pas eu de chance, soit ils doivent se poser des questions. On ne retire d’une expérience souvent que ce que l’on est venu y chercher.
Donc lorsque tu es amené à dire que tu es manager dans un Fast-Food, tu ne reçois pas de remarques désobligeantes ?
Non, pas vraiment. D’habitude, on me demande comment ca se passe, si c’est pas trop dur. On éprouve plus de compassion et de sympathie … Et on me demande parfois comment sont les clients « il doit y en avoir des graves ! »

Vous voyez d’où vient l’idée du blog ?
Après, j’ai passé les blagues habituelles : « Oh, t’a pas un kebab ? » ou bien le sempiternel « tu sens pas la frite » « Non, que je réponds, c’est le mélange oignons-viande grillée. C’est très tendance ».

Pour conclure, quel est le plus gros cliché sur les Fast-Food que tu pourrais aimer voir tomber ?
Que ceux qui y bossent sont forcément idiots. Ce que les caissières (excusez-moi les « hôtesses de caisse ») représentées par Anna Sam entendent souvent, on nous le fait parfois. Le père qui dit à son fils « t’as intérêt à bosser à l’école sinon tu finiras là ».
Oh punaise ! On a envie de dire :
« Eh, mon gars, j’ai un master en lettres ! C’est ma faute si dans ce pays on favorise les traders au lieu de la culture ? »
Bien envoyé, à ce pédant. Un gros merci pour tes réponses très complètes !

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