jeudi 28 février 2013

A l'affiche en Tunisie : ''Le Bon, la Brute et le Pantin''


Voici donc la tragi-comédie tunisienne fidèlement récompensée avec son lot de tragique et ses promesses de lendemains qui déchantent. Il vaut mieux en rire pour ne pas devoir en pleurer...
Par Karim Ben Slimane*
La montagne a enfanté une souris. En réponse à la crise grave qui a secoué le pays suite à l'assassinat de Chokri Belaïd, Ennahdha le parti fort du pays, vient d'effectuer un jeu de chaises musicales en nommant son premier flic, Ali Lârayedh, à la primature.
Un Nahdhaoui sympathique paraît-il, un modéré et un homme d'Etat. Que des balivernes dites pendant ce triste épisode du remaniement ministériel dont l'épilogue augure inévitablement d'un changement dans la continuité.
Jebali allume un contre-feu pour en éteindre un autre
Ce que nous avons vécu ces dernières semaines tient d'un véritable vaudeville dans lequel Hamadi Jebali, Rached Ghannouchi et Moncef Marzouki ont tenu l'affiche. Encore une fois, on s'est joué de nous; encore une fois nos politiciens ont fait montre d'une roublardise hors pair; encore une fois nous sommes floués; et encore une fois la politique nous donne à rire et à pleurer.
Comme en ce moment se jouent les cérémonies de remises des récompenses dans le monde du cinéma, principalement les Césars et les Oscars, je vais vous donner ici en toute modestie mon palmarès de la participation tunisienne avec la tragi-comédie: ''Le Bon, la Brute et le Pantin''.
Le prix du meilleur espoir revient à Hamadi Jebali pour son rôle du «Bon», véritable révélation et la grande surprise de ce palmarès. Celui qu'on disait effacé, fatigué, lassé et sans envie réelle de gouverner, a magistralement joué le rôle de l'homme providentiel, l'homme d'Etat et le sauveur. Car il faut en avoir du talent pour réussir à s'attirer le soutien de Béji Caid Essebsi et de Nejib Chebbi, dont la soif de pouvoir est incommensurable. Hamadi Jebali a réussi, paraît-il, à absorber la colère de la rue après le drame de l'assassinat de Chokri Belaïd. En gros, il a utilisé une stratégie bien connue chez les pompiers, allumer un contre-feu pour en éteindre un autre.
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Hamadi Jebali a réussi à réunir les différents chefs polititiques de l'opposition grâce à l'initiative avortée du gouvernement de technocrates.
Il faut reconnaître que c'était habilement mené. Alors que les foules battaient le pavé du cimetière El Jallaz dans les noces funèbres de Belaïd grognant contre Ennahdha, M. Jebali fait son mea culpa et dénonce à mots couverts la responsabilité de son parti dans la situation dramatique que vit la Tunisie. La tension a chuté et la rue s'est calmée, oui, ça aurait pu être une Kasbah 3 ou 4 je ne tiens plus les compter, mais M. Jebali a réussi à rassurer.
Le plus drôle dans l'histoire a été la réaction de l'opposition et de la pseudo intelligentsia, les fameux experts dont la Tunisie regorge jusqu'à la boulimie depuis la révolution. Ces derniers ont cru un instant au parricide. Cela eut été trop beau, le coup de Jarnac de Jebali au vieux cheikh Ghannouchi allait lézarder Ennahdha et l'affaiblir. L'opposition et l'opinion publique se sont jetées à bras raccourcis sur l'occasion voulant aider Jebali dans sa révolution de palais contre l'aile dure du parti islamiste.
A-t-on rêvé à un parti Ennahdha rénové, modéré et débarrassé de ses radicaux? Sans doute oui, légitimement d'ailleurs, mais hélas au bout du compte ce n'était qu'un vœu insensé.
Progressistes et révolutionnaires se sont donc rangés derrière l'Homme providentiel et on a tous oublié car l'oubli est dans le propre de l'Homme. On a oublié que Hamadi Jebali nous a promis le sixième califat et qu'il nous réserve aussi la chariâ, mais pas pour tout de suite, rassurez-vous, ça sera le cadeau de nos noces de Plomb avec les islamistes.
Hamadi Jebali a donc surpris par son jeu magistral dans le rôle du Bon. Si sa performance a convaincu c'est parce que nous avons adoré être les spectateurs de cette scène de traitrise et de déloyauté. Car, in fine, c'est tout ce qui comptait à nos yeux, le spectacle du parricide et les coups de poignard dans le dos. Nous avons été tels des badauds qui s'arrêtent sur le bord d'une route pour assister gaiement à une vulgaire scène de ménage. Avouez-le, il est difficile de bouder son plaisir dans de pareilles situations quand les gens lavent leur linge sale en public.
Voyez-vous, encore une fois ça n'a rien à voir avec les intérêts de la Patrie, ni les valeurs de la révolution d'ailleurs, tout cela n'est que mensonges éhontés et fariboles, car finalement, il n'y a que le spectacle qui compte, surtout celui qui appelle et flatte les idées et les sentiments les plus vils chez l'Homme. Mais Hamadi Jebali n'aurait sans doute jamais pu briller dans le rôle du Bon s'il n'y avait pas une brute dans l'histoire.
Ghannouchi n'y va pas avec le dos de la cuillère
Le prix du meilleur acteur revient sans grande surprise au cheikh Rached Ghannouchi pour son rôle de la Brute. Oui car le Cheikh ne cache pas ses intentions quant à l'avenir qu'il réserve à la Tunisie et le moins qu'on puisse dire est qu'il n'y va pas avec le dos de la cuillère.
Ghannouchi est rosse, rustre, austère, lugubre et ennuyeux. Le portrait parfait de la Brute. Il est l'homme d'un seul livre et c'est ce qui fait sa détermination et sa pugnacité. Son projet est désormais clair, instaurer le dictat de l'islamisme en Tunisie. Penseur indigent et sans brio, il n'a jamais réussi à entrer dans le Panthéon des théoriciens de l'islam politique moderne. Difficile donc de le situer intellectuellement ou de lui reconnaître une estampille ou un quelconque apport à la pensée islamique. Son livre ''Les libertés générales en islam'' est au mieux une synthèse bibliographique sinon un catalogage quasi scolaire de courants dits modernes en islam.
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Rached Ghannouchi, "l'islamiste modéré": un double discours qui ne cesse de se confirmer.
Ghannouchi considère que la Tunisie est son butin de guerre. Une guerre qu'il n'a étrangement pas menée et c'est là tout son talent de fossoyeur et de brute. Ghannouchi est aussi un homme pressé qui prend soins de mettre plusieurs fers dans le feu. Non seulement, il règne sur la Tunisie mais il prépare aussi et savamment l'institutionnalisation de son règne en plaçant ses fidèles aux postes clefs de l'administration et en se créant sa cour de courtisans et d'obligés.
Marzouki : un militant qui a mal tourné
Pour clore cette cérémonie, le prix du meilleur second rôle est attribué au président provisoire Moncef Marzouki pour son rôle du Pantin. Je vous l'accorde c'est facile et ce n'est guère original de traiter Marzouki de «tartour» et de pantin : ça relève même des lieux communs et des poncifs de la vie politique en Tunisie. En tout cas, saluons la belle prestation du président intello qui, encore une fois, est resté bien sage et a bien courbé l'échine devant ses maîtres. Il faut reconnaître que, depuis le temps qu'il se contorsionne à Carthage, il a beaucoup gagné en souplesse.
Imbu de lui-même à souhait, misanthrope et acariâtre et grisé jusqu'à y perdre la raison par un pouvoir qu'il ne détient pas, Marzouki c'est l'histoire d'un intellectuel et un défenseur des droits de l'Homme qui a mal tourné. Peut-être est-ce de l'amertume ou encore de l'aigreur. En tout état de cause, Marzouki est là pour régler ses comptes avec l'Histoire plus que pour veiller aux intérêts des Tunisiens. Il a exhumé le passé Youssefiste de son père pour prendre sa revanche sur Bourguiba et il se pavane à Carthage pour narguer le destin qui l'a fait succéder, lui le penseur et l'intellectuel, à Ben Ali, le policier grossier et ignare.
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Moncef Marzouki: le président aux pouvoirs limités qui fait comme s'il en avait.
Voici donc la tragi-comédie tunisienne ''Le Bon, la Bête et le Pantin'' fidèlement récompensée avec son lot de tragique et ses promesses de lendemains qui déchantent.
Alors de grâce mes concitoyens cessez de croire, arrêtez d'espérer au mieux pleurez sinon riez cela vaudra mieux.
*Spectateur rigolard de la vie politique.

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