jeudi 6 novembre 2014

Analyse: pourquoi la Suède a-t-elle reconnu la Palestine ?


Israël ne doit pas considérer cette initiative comme hostile, autant d'ordre intérieur que diplomatique....

La plupart des personnes intéressées par le conflit israélo-palestinien ont tenté péniblement de comprendre la semaine dernière ce que la Suède a voulu accomplir par la reconnaissance d’un Etat palestinien. Cette reconnaissance semblait venir de nulle part, avec une chance infime de faire la différence. 

Les Etats indépendants ont besoin de frontières reconnues, d’une monnaie, d’infrastructures et d’une armée. Or les Palestiniens ne détiennent rien de tout cela, et aucune déclaration suédoise ne peut le changer. Après tout, la politique au Moyen-Orient n’est pas un séminaire sur le “New Age”, on ne peut pas seulement espérer l’existence d’Etats.
D'autre part, alors que les négociations de paix sont au point mort et que les deux partieslèchent leurs plaies après une nouvelle guerre sanglante à Gaza, le nouveau gouvernement suédois affirme qu'il est temps de tenter une nouvelle approche. 

Margot Wallström, ministre suédoise des Affaires étrangères, a déclaré lors d'une conférence de presse la semaine dernière que la Suède ne prend pas le parti des Palestiniens, mais plutôt celui du processus de paix. "Les parties seront ainsi moins déséquilibrées” dit-elle, "et nous espérons toujours les revoir à la table des négociations".

Elle a ajouté que “cette initiative se base sur des précédents historiques (comme le Kosovo), ainsi qu’au fait que plus de 130 pays ont déjà reconnu la Palestine”.

Comme prévu, Israël considère cette initiative hostile, déclenchant une grave crise dans les relations entre les deux pays. Cependant, les Israéliens voient-ils vraiment la reconnaissance suédoise d'un Etat palestinien avec une approche négative?

Tout d'abord, la grande crainte d'Israël de l’effet “boule de neige” ne s’est pas matérialisée. Jusqu'à présent, même le parlement suédois a montré une forte opposition à cette initiative, et les Premiers ministres des autres pays nordiques ne sont pas prêts à suivre. Lors d’un sommet à Stockholm la semaine passée, ils ont tous déclaré que malgré leur engagement pour une solution à deux Etats, ils ne sont toujours pas prêts à reconnaître un Etat palestinien.

Ainsi, les politiciens de Jérusalem ne doivent pas trop s’inquiéter d’un effet domino pour le moment. L'ambassadeur d’Israël à Stockholm a été rappelé afin de montrer aux autres pays qu’il y a un prix à payer pour la reconnaissance de la Palestine, mais il est peu probable que Berlin ou Paris iront là où Copenhague et Oslo ne sont pas prêts à aller.

Il y a aussi le volet financier et un côté plus profond et moins discuté sur la relation entre les deux pays.
Durant ces dernières années, les chercheurs, hommes d’affaires et entrepreneurs ont coopéré plus que jamais. La Suède et Israël ont beaucoup d’intérêts en commun d’où émanent de nombreuses et juteuses “joint-ventures”.

Leur population est de taille similaire, leurs économies dépendent toutes deux des exportations et ils sont parmi les 20 prmiers pays du monde dans les domaines de la recherche et du développement par habitant.

Les instituts de recherche et les hôpitaux des deux pays sont aujourd'hui partenaires stratégiques tandis que les PDG des principales entreprises des deux pays, ainsi que les dirigeants industriels, les promoteurs en informatique et en armement voyagent régulièrement sur la ligne Tel Aviv – Stockholm. 
Un admirateur suédois des investissements israéliens dans les nouvelles technologies a notamment écrit un article, publié il y a quelques mois dans la presse suédoise sur son “inspiration des méthodes utilisées en Israël". 

Le nom de l’auteur n’est autre que Stefan Löfven, le nouveau Premier ministre suédois. Son approche ne reflète pas exactement celle d'un militant aux préjugés anti-israéliens.

Cette relation complice dans ces domaines va-t-elle changer suite à cette dernière crise ? Probablement pas. N’importe qui, creusant un peu plus profondément que l’amusante métaphore sur le conflit israélo-palestinien comme étant le montage d’un meuble Ikéa, découvrira une surprenante stabilité dans les relations israélo-suédoises.

“Nous pouvons poursuivre le commerce, l'innovation, la technologie et les sciences”, a déclaré l'ambassadeur d'Israël en Suède dans une interview télévisée jeudi dernier. Le ministre suédois des Affaires étrangères ne pouvait qu’être d’accord. "Nous espérons que notre excellente coopération se poursuivra dans tous les domaines y compris dans le commerce et l’économie", a-t-elle déclaré au cours d’une conférence de presse à Stockholm.

Alors pourquoi ont agi de la sorte? Le gouvernement suédois n’est pas naïf, ni même, comme beaucoup d'Israéliens l’avait suggéré, est-il influencé par l’augmentation de sa population musulman. 

En vérité, la déclaration suédoise sert tout autant à la consommation intérieure qu’à la diplomatie mondiale, et doit être considérée dans une perspective historique.
Le parti social-démocrate, de retour au pouvoir après huit ans d’opposition, est fier sa politique étrangère historique qui, selon elle, vise non seulement à servir les intérêts suédois, mais aussi à faire un monde meilleur. 

En d’autres termes, la reconnaissance de la Palestine est un message du parti signifiant: “Nous sommes de retour aux affaires et nous serons sérieux pour ce qui concerne les droits de l’homme, la liberté et la paix dans le monde”.

Mais il ne s’agit pas seulement d’idéaux. Comme le suggèrent de nombreux analystes, le nouveau gouvernement se tourne vers une coalition parlementaire très étroite.

La reconnaissance de la Palestine peut être considérée comme une tentative par les sociaux-démocrates de faire plaisir à leurs partenaires de gauche, tandis que dans d'autres domaines, ils sont occupés à négocier avec la droite.

La Suède a de plus grandes préoccupations politiques que le Moyen-Orient. Une initiative rapide et audacieuse en faveur de la cause palestinienne donne au nouveau gouvernement une influence politique sur des questions plus importantes, telles que les dépenses dans le domaine de la défense, de la santé, de l'emploi et de l'éducation.

Tout cela peut sembler être une analyse plutôt cynique de la question, mais cela signifie en fait que l’animosité entre Israël et la Suède est le résultat d'un environnement politique spécifique qui ne durera pas éternellement.

Laissant la réprobation israélienne de côté, il reste néanmoins quelque chose à dire concernant l'approche éthique et concrète de la Suède vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. Sa volonté de s'engager dans une région où la plupart des autres pays ont renoncé est admirable. 

La ministre des Affaires étrangères Wallström a annoncé jeudi dernier que la Suède s’apprête à augmenter considérablement son aide étrangère pour la soi-disant “création d'Etats" d'un peu moins de 70 millions à plus de 200 millions de dollars sur cinq ans, outre l'aide humanitaire substantielle de la Suède aux Palestiniens.

Avec toute cette bonne volonté, si la Suède prend soin de ne pas détériorer sa relation avec Israël, cela pourrait être exactement ce dont la région a besoin : un partenaire international impartial et non-aligné, qui envoie de l'aide humanitaire en cas de besoin et s’engage dans le financement et l'assurance internationale pour une paix durable, stable et juste dans le futur.

L'une des percées les plus importantes dans le conflit israélo-palestinien a eu lieu dans une autre capitale scandinave, à Oslo, il y a 20 ans. La prochaine étape du processus de paix sera-t-elle l’Accord de Stockholm ?

David Stavrou est un journaliste et écrivain israélien. Il vit actuellement à Stockholm, en Suède. Il écrit pour des publications israéliennes et suédoises. Son livre, "Une Traversée Israélienne" a été publié en hébreu en septembre.

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