vendredi 15 février 2013

Mon Menahem Begin...Par Marc Femsohn !


DR Femsohn
Cela fait vingt et un ans jour pour jour, selon le calendrier juif, qu'il nous a quittés et il me manque, il nous manque beaucoup. Pourtant, autant vous l'avouer tout de suite, je suis un ingrat : je n'ai jamais voté pour Menahem Begin.

J'ai fait mon Alyah alors qu'il était Premier ministre depuis deux ans et demi. Le pays dans lequel je m'installe, vient de subir le plus grand choc de son histoire ; bien sûr il y a eu la guerre des Six-Jours qui éveilla ma conscience sioniste, bien sûr il y eut le double traumatisme de la guerre de Kippour, du fait que j'assistais, impuissant à ce qui se passait en Israël, en proie au doute, me bouchant les oreilles pour ne pas entendre le nombre de victimes, et culpabilisant d'être un Juif de 20 ans à Paris pour lequel se battaient et mourraient aussi ces jeunes Juifs de 20 ans parce qu'ils étaient Israéliens. 
 
Mais le vrai bouleversement fut sociétal, car l'arrivée au pouvoir en 1977 de Menahem Begin signifia la victoire des petits et des sans-grades contre l'establishment, contre les élites.

Je ne m'en rends pas compte au début de mon Alyah, car je suis venu en Israël plutôt bercé par Ben Gourion, Golda, Rabin, Dayan et surtout Mordehaï (Mota) Gour qui fut, en 67, le héros de la prise de Jérusalem avec ses parachutistes et le symbole de la victoire en criant :

הר הבית בידינו (le Mont du Temple est entre nos mains !).


Comment aurais-je pu voter, en 1981, pour ce "politicard" au passé "terroriste", alors que se présentaient, sous les couleurs du Maarakh (socialiste) mon Mota Gour et tous ces anciens généraux qui étaient, chacun d'entre eux, des légendes vivantes?
Mais au fur et à mesure de mon intégration et de ma maîtrise de l'hébreu, j'entendis les discours de Begin à la Knesset et ses interventions à la télévision.

Il parlait d'un autre Israël, me fit découvrir qu'il y avait eu d'autres héros, d'autres organisations, qu'il avait été, lui aussi, un commandant militaire, que l'Etzel (Irgoun Tsvaï Leumi) avait lui aussi participé à l'indépendance d'Israël.
Begin était un orateur hors pair, il avait un charisme inégalé et un sens de l'Etat sans pareil que l'on apprécia à sa juste valeur lorsqu'il accueillit Sadate. Néanmoins, soyons objectifs, seul Begin pouvait signer les accords de Camp David, la droite ne l'aurait pas toléré de la gauche.

Mais Menahem Begin réussit à conquérir mon cœur. Tout d'abord par son humour. Il avait gardé ce sens de l'autodérision si particulier aux Juifs d'Europe de l'Est d'avant-guerre. J'en veux pour preuve une conversation en yiddish entre les deux Prix Nobel, Issac Bashevis Singer et Menahem Begin qui évoquent le déclin de cette langue.

Begin, le sioniste, partisan de l'hébreu, qu'il parle merveilleusement bien, en dépit de son accent à couper au couteau, s'esclaffe: "Vous voyez un officier de Tsahal donner un ordre en yiddish? C'est impossible!" Isaac Bashevis Singer, sincèrement peiné, tente d'argumenter: "Mais si, il suffit juste de crier". Et finalement, les deux illustres compères éclatent de rire.

Begin, c'est aussi la grandeur du personnage qui se reflète dans la simplicité et la modestie de son style de vie au contraire de ce qui se passe de nos jours. Begin n'aurait pas vécu aujourd'hui dans une tour Akirov de Tel Aviv et n'aurait pas eu de résidence secondaire à Césarée, car il se voulait exemplaire, c'est ainsi qu'il concevait le sionisme. Il aurait été du côté des jeunes exigeant la justice sociale.

Begin c'était la mémoire de la Shoah. Il réussit même à nous en parler alors qu'il prononçait un discours auquel j'assistais, à l'occasion de l'anniversaire de la libération d'Eilat où j'habitais. Et la conséquence de cette mémoire, c'était son amour, son adoration du Peuple juif et des soldats de Tsahal en toutes circonstances.

J'eu la chance et l'honneur d'en profiter. J'étais à l'époque à l'armée et un dimanche matin, peu avant la première guerre du Liban, en 1982, je me trouvais sur le tarmac de l'aéroport Etzion dans le Sinaï qui devait être restitué à l'Egypte quelques jours plus tard et d'où était aussi partie l'escadrille qui avait détruit l'installation nucléaire irakienne d'Osirak. Habitant à Eilat, j'avais le droit de regagner ma base en empruntant les avions de transport de troupes qui remontaient vers le nord.

Soudain, avec quelques camarades, nous apercevons Menahem Begin en costume-cravate qui s'apprête à monter dans un avion blanc sans aucun signe extérieur. Nous comprenons qu'il demande à un officier ce que nous faisons là. Et, à notre grande surprise, il nous fait signe de monter. C'est ainsi que je fus pris en stop aérien par le Premier ministre de l'Etat d'Israël !!!

Nous fûmes installés au fond de l'appareil, un jet tout à fait classique avec une allée centrale et des rangées de 3 sièges de chaque côté.

Il vint nous dire bonjour, fit un brin de causette avec nous, veilla à ce que nous ne manquions de rien et retourna travailler avec ses conseillers. C'était cela Begin…

Alors que je m'étais enfin décidé à voter pour lui, il m'abandonna ainsi que le Peuple d'Israël, se retirant de la vie politique, affecté et déprimé par la mort de son épouse Aliza ainsi que par la mauvaise image d'Israël après la première guerre du Liban.

Formons le vœu que la commémoration du 21ème anniversaire de sa disparition soit l'occasion pour les députés de la nouvelle Knesset et les futurs ministres de la prochaine coalition de s'inspirer de la détermination, de la droiture, de la modestie et de la puissance de cet homme à l'allure chétive qui fut, lui aussi, confronté aux mêmes problèmes cruciaux pour la survie de notre pays.

Merci Menahem Begin. Que ta mémoire soit bénie. 
 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La grandeur de Binyamin Netanyahou....

Binyamin Netanyahou était en visite aux Etats-Unis pour la conférence annuelle de l’AIPAC. Cette visite devait être triomphale. Elle a ...